Jean Vigo et Jean Dewasne

Jean VIGO, collégien à MILLAU, Texte de Luce VIGO, sa fille

Publié le vendredi 18 décembre 2009 20:50 - Mis à jour le jeudi 16 mai 2013 13:28

Jean VIGO a tenu le journal, sur cahier d’écolier, de ce qu’il appelait "Ma petite vie au Collège de MILLAU et pendant les vacances" en 1918. Il y était inscrit comme interne sous une fausse identité, celle de Jean SALLES, car le nom de VIGO sentait le soufre : il n’était pas bon, après la fin de la Première Guerre Mondiale, d’être le fils de Miguel ALMEREYDA, pseudonyme qu’avait pris ce militant anarchiste, accusé de trahison et mort "suicidé" en prison en 1917, après un procès qui avait fait scandale. Jean VIGO consacra beaucoup de sa courte vie à réunir des témoignages sur un père qu’il aimait et admirait, et à dénoncer ce qu’il pensait être un assassinat maquillé en suicide.

Que penserait-il aujourd’hui, le petit pensionnaire "clandestin" de cet établissement, en découvrant que son vrai nom - un nom que l’on porte avec fierté - a été donné à ce même collège soixante dix ans plus tard ? Serait-il ému, amusé de ce renversement de sa propre histoire ? Nous ne le saurons jamais.

Mais moi sa fille, avec ses petits enfants, ses amis, tous ceux pour qui les films de VIGO ont compté ou comptent, je ne peux que me réjouir d’une initiative intelligente et où l’on ne peut pas ne pas voir de l’humour. Elle n’efface en rien la mauvaise action de la censure interdisant "Zéro de Conduite" pendant plus de douze ans, mais elle donne un éclairage heureux et optimiste à un établissement public en charge d’adolescents en train de construire leur vie.

 
Le journal de Jean Vigo
Ma petite vie au Collège de MILLAU et pendant les vacances

Ce n’est donc qu’à MILLAU que les Lycées Jean VIGO pouvaient voir le jour, dans cette ville proche de MONTPELLIER où des amis photographes, les AUBES, donnèrent à Jean VIGO l’affection dont il manquait, et le goût des images qui est sans doute pour beaucoup dans sa vocation de cinéaste. SAINT-AFFRIQUE n’est pas loin non plus, où vécut et s’établit comme chirurgien le grand ami de Jean VIGO, Georges CAUSSAT. CAUSSAT, à qui il avait donné le nom de l’un des jeunes collégiens en colère de Zéro de Conduite. C’est qu’il n’avait jamais perdu de vue son enfance. Retravaillée par son imaginaire, elle donne à son cinéma une force étonnante à laquelle ont contribué d’autres hommes de grand talent, car aucun film n’est l’oeuvre d’un homme seul : Jean VIGO s’est fait, à l’âge adulte, avec sa femme Lydou, d’autres amis avec lesquels ils ont eu en commun, certainement, quelque chose de fort, et d’abord l’amour de la vie : Claude AVELINE, les frères PREVERT, Luis BUNUEL, aussi bien que ses compagnons de travail, Boris KAUFMAN, le chef opérateur, Maurice JAUBERT, le musicien, Charles GOLDBLATT, le parolier, Pierre MERLE, Henri STORCK, Albert RIERA, ses assistants et les acteurs, enfants rencontrés dans la rue ou comédiens célèbres : Dita PARLO, Jean DASTE, Gilles MARGARITIS, Michel SIMON. Contrairement à ce que l’on dit quelquefois, Jean VIGO n’était pas un génie solitaire, mais un homme d’amitié, de partage, habité par la fièvre, l’urgence de dire ce qui lui tenait à coeur : par un moyen magique, le cinéma.

 

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